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Le féminisme en Italie

Par Quentin Pakiry - guide conférencier à Venise

· Histoire

Le féminisme en Italie remonte à la Renaissance, entre le XIII et le XIVe siècle. À l’époque, les questions concernant l’égalité des sexes commencent à apparaître. Les mouvements féministes tardent un peu à se former contrairement aux autres pays européens.

L’éducation et la position des femmes vis-à-vis de l’homme dans la société italienne sont les premières pierres angulaires de leurs revendications.

À partir du milieu du XIXe siècle, certaines femmes s'affranchissent des règles et commencent à s’approprier de nouveaux médias comme la presse, les livres et les périodiques pour partager leurs points de vue engagé.

Entre 1850 et 1870, les mouvements féministes font écho aux quatre coins de l’Italie. Anna Maria Mozzoni devient un pilier de ce mouvement à travers son livre « La femme et ses relations sociales dans la révision du code » sorti en 1864. De nouvelles lois sont établies à la même époque, permettant aux femmes d’avoir droit à l’héritage et de devenir les administratrices légales de leurs biens et de leurs enfants en cas d’abandon du mari. Après une lutte acharnée contre l’antiféminisme, les femmes sont admises dans les universités italiennes en 1876.

La place du féminisme dans l’Italie fasciste et l’après-guerre

En 1911 est organisée la première conférence nationale féministe en Italie. Jusqu’en 1919, des changements positifs dans la situation des femmes italiennes sont à noter. Guglielmina Ronconi y a d’ailleurs contribué pour beaucoup en mettant en avant un féminisme social. Fort de cette lancée, les féministes rêvent de s’affranchir du patriarcat, mais se heurtent à l’idéologie fasciste de Mussolini dès 1922. Mussolini prône l’infériorité biologique des femmes face à l’homme. Révoltées par cette idéologie, les femmes italiennes forcées à travailler dans les rizières de la plaine du Pô créèrent une chanson qui deviendra ensuite symbole de révolte : « Bella Ciao ». La chanson devient ainsi un hymne à l’antifascisme et une ode au féminisme.

Elles gagnent une grande bataille en 1925 en obtenant le droit de vote aux élections locales, puis en 1945 en obtenant un droit de vote total.

Après une période un peu calme, le féminisme italien retrouve toute sa ferveur dans les années 70 où des activistes telles que Elvira Banotti, Carla Accardi ou encore Carla Lonzi créent le mouvement féministe « Rivolta Femminile ». Ensemble, elles écrivent un manifeste contenant 65 points venant réfuter le modèle égalitariste et universaliste mis en place à l’époque. Ce manifeste se retrouve placardé sur tous les murs, de Milan à Rome. Entre 1970 et 1980, des lois sur le divorce et sur l’avortement sont promulguées.

Le féminisme en Italie d’aujourd’hui

Lorsqu’en 1992, un viol commis sur une jeune fille de 18 ans est relayé, une protestation féminine généralisée se déploie. En effet, la Corte Suprema di Cassazione annule la condamnation du violeur présumé en 1998 pour le simple fait que la victime avait porté un « jeans serré ». Selon la cour, cela porte ledit viol et acte consensuel. Le lendemain, les femmes du Parlement italien portent des jeans serrés en signe de protestation. Sur les pancartes, on peut lire « Jeans : un alibi pour le viol. ».

L’événement a été relayé outre-Atlantique si bien que le Sénat de Californie et la Commission de Los Angeles sur les attaques contre les femmes ont apporté leur soutien à la cause. De ce jour est né le fameux « Day Denim » porté par Patricia Giggans, directrice exécutif de la Commission de Los Angeles et qui est devenu un événement annuel. Depuis 2011, une vingtaine d'États américains ont rejoint le mouvement.

La loi sur le viol en Italie a été resserrée en 1996.

Les revendications continuent au fil des années et parmi les porteuses-eurs du mouvement, on retrouve Non Una Di Meno qui rassemble notamment de jeunes militantes féministes italiennes. En 2017, elles emmènent plus de 150 000 personnes dans les rues de Rome pour manifester contre les violences faites aux femmes.

Le féminisme en Italie, des avancées paradoxales

Même si la situation des femmes s’est relativement améliorée depuis les années 70, plusieurs combats restent à mener. Le taux d’emploi des femmes reste encore assez faible par rapport à la moyenne européenne. Pour l’Italie, l’enjeu n’est pas que féministe, mais aussi économique et si la gauche italienne souhaite améliorer les choses, rien de très concret n’a encore été proposé.

En octobre 2021, le Sénat italien a par ailleurs reconnu les activités de la Casa Internazionale delle Donne, lieu unique en Italie et emblème du féminisme italien, comme essentiel à l’avancée des droits des femmes en Italie. Il a également remboursé la dette à hauteur de 900 000 que la Casa Internazionale delle Donne avait contracté auprès de la municipalité de Rome.

Les droits de la femme semblent acquis en théorie, mais la réalité est tout autre chose.

Après la victoire de Giorgia Meloni à la tête du parti post-fasciste Fratelli d’Italia, les féministes se sont révoltées. Connue pour sa culture patriarcale et son racisme déguisé, Giorgia Meloni est dans le viseur du collectif féministe Non Una Di Meno.

En 2022, elle accède au poste de Première ministre, cela annonce un recul des droits des femmes et des minorités.

De l’art à Internet : les moyens utilisés pour revendiquer le féminisme évoluent

Lors de la dernière édition de la Biennale de Venise, le féminisme était mis à l’honneur. La 59e édition privilégie les artistes féminines de tous azimuts. Outre le gala organisé par Dior au théâtre de la Fenice, les installations, expositions et projections ont mis les femmes à l’honneur. La sculptrice Simone Leigh a d’ailleurs remporté le fameux Lion d’or pour cette édition.

La Mostra de Venise suit la même tendance féministe et engagée. Le Lion d’or a été remis à la documentariste Laura Poitras durant le festival pour son enquête portant sur la vie de l'artiste-photographe Nan Goldin.

Aujourd’hui, la lutte féministe est surtout portée par la pop-féminisme et le girl power. Les moyens d’expression ont également évolué puisqu’à part l’art et la littérature, les jeunes féministes actuelles ont pris d’assaut Internet et les réseaux sociaux.

 

Références et inspirations :

Collectif, 2017. "Ni Una Di Meno" : les féministes italiennes vers la grêve transnationale du 8 mars. Contretemps, revue de critique communiste. Accessible par ici.

Pour aller plus loin :

 

Auteur : Quentin du Blog Bonjour Venise partage des bons plans de la ville de Venise en Italie ainsi que beaucoup d'anecdotes sur une ville chargée d'histoire.