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Top 10 des femmes écoféministes inspirantes

Par Molly Marchand, rédactrice Feminists in the City

· Portraits de femmes

L’écoféminisme, présenté en détail dans notre article Féminisme et Ecologie, même combat ?, est un mouvement interdisciplinaire liant lutte contre la domination des humains sur la nature et contre la domination des hommes sur les femmes. De nombreuses figures féminines, chercheuses, écrivaines, militantes, se sont investies dans cette cause. Feminists in the City vous propose de découvrir 10 d’entre-elles !

1. Rachel Carson, la précurseuse

Biologiste marine américaine, Rachel Carson (1907 – 1964) est une des plus importantes précurseuses de l’écoféminisme. Initiée par sa mère à l’observation des éléments naturels qui l’entourent, elle débute sa carrière comme assistante-biologiste marine au U.S Bureau of Fisheries, devenant ainsi la deuxième femme embauchée par l’institution pour un poste à plein temps. Elle est également l’autrice de nombreux ouvrages scientifiques reconnus, dont The Sea Around Us qui lui permit de gagner un U.S National Book Award. Sensible aux questions de protection de l’environnement face notamment à l’utilisation des pesticides de synthèse, elle rédige le célèbre Silent Springs. Ce dernier, publié en 1962, a des répercussions considérables. Décédée en 1964, la scientifique reçoit pour l’ensemble de ses recherches la médaille présidentielle de la Liberté à titre posthume, considérée comme la plus haute distinction civile aux Etats-Unis.

Une oeuvre à retenir: Dans Silent Springs, Rachel Carson dénonce les effets néfastes des pesticides sur les organismes tout au long de la chaine alimentaire. 10 années après sa parution, son livre participe à l’interdiction du DDT, un pesticide très utilisé, aux Etats-Unis. Il permet ainsi une prise de conscience des problèmes environnementaux liés aux substances chimiques et peut aujourd’hui être considéré comme l’un des écrits fondateurs du mouvement écologiste mais également de l’écoféminisme.

2. Françoise d'Eaubonne: la french touch

Françoise d’Eaubonne (1920 - 2005) est une figure majeure de l’écoféminisme, puisque l’écrivaine et militante française est à l’origine même du terme, qu’elle propose pour la première fois en 1974 dans son ouvrage Le féminisme ou la mort. Sensibilisée dès son plus jeune âge aux inégalités entre les genres, elle s’engage rapidement pour la cause et fait notamment partie des fondatrices du Mouvement de Libération des Femmes (MLF). Elle y anime un groupe nommé « Ecologie et féminisme », inspirée par la lecture du rapport Meadows. Ce rapport rédigé par des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) démontre les limites d’une croissance économique et d’une démographie exponentielle au regard de leur impact sur la planète. En 1978, Françoise d’Eaubonne fonde l’association EcologieFéminisme. Autrice prolifique, elle mène tout au long de sa vie de nombreux combats mais reste néanmoins très attachée à la divulgation de la pensée écoféministe.

Une oeuvre à retenir: Le livre Le féminisme ou la mort de Françoise d’Eaubonne est une référence directe à l’ouvrage L’utopie ou la mort écrit par René Dumont, le premier candidat écologiste à se présenter lors de l’élection présidentielle française de 1974. Correspondant à une prise de conscience écologique, l’ouvrage expose l’une des théories principales de l’écrivaine qu’est le « lapinisme phallocratique ». Cette expression désigne le rapport presque parallèle entre la surexploitation de l’environnement menant à la destruction des sols et l’épuisement des ressources, et l’oppression des femmes au travers de la surfécondation de l’espèce humaine.

3. Maria Mies, l’écoféministe socioéconomique

Considérée comme l’une des théoriciennes d’un mouvement écoféministe dit socioéconomique, Maria Mies (1931 - ) est une sociologue allemande reconnue pour ses travaux féministes. Ces derniers portent sur l’étude de 2 aires géographiques distinctes, l’Europe et l’Inde, et s’intéressent principalement à l’intersection entre patriarcat, pauvreté et environnement à l’échelle locale et globale. Maria Mies débute en effet ses recherches universitaires en mettant en relation les effets de la colonisation et de la subordination des femmes dans le système économique de l’Inde. Son intérêt pour ce pays la rapproche de Vandana Shiva, avec qui elle co-écrit Ecofeminism en 1993. Elle s’interroge alors davantage sur les liens entre le concept de sciences modernes et l’écoféminisme.

Une œuvre à retenir: En partageant l’écriture du livre Ecofeminism avec Vandana Shiva, Maria Mies souhaite proposer une réflexion sur ce qu’elle considère comme le « despotisme patriarcal socioéconomique et technologique ». Derrière cette expression complexe se cache une des théories principales de la sociologue. Selon elle, l’acceptation d’une universalité dans le domaine des sciences modernes serait en vérité une projection de l’homme occidental. Ce dernier s’octroierait ainsi le privilège de définir les savoirs scientifiques. Afin de sortir de cette société moderne ayant vu fusionner capitalisme et patriarcat, l’ouvrage suggère la fondation d’un nouvel internationalisme sous la bannière du féminisme et de l’écologie.

4. Carolyn Merchant, l'autrice générale 

Philosophe et historienne des sciences, Carolyn Merchant (1936 - ) est reconnue comme l’une des premières théoriciennes américaines de l’écoféminisme. Ses écrits peuvent servir de références, à l’image de son livre, paru en 1980, The Death of Nature : Women , Ecology and the Scientific Revolution. L’universitaire se penche ainsi sur nombre des enjeux que regroupent les différents courants de l’écoféminisme. Très investie dans ses recherches, Carolyn Merchant est engagée dans plusieurs comités scientifiques dont le Committee on Women of Sciences. Elle enseigne depuis 1986 la philosophie et l’histoire de l’environnement à l’université californienne UC Berkley, l’un des plus prestigieux établissements américains.

Une œuvre à retenir: Dans The Death of Nature : Women , Ecology and the Scientific Revolution, Carolyn Merchant part du postulat que le siècle des Lumières représente le moment où la science a commencé à diriger, objectiver et disséquer la Nature, mettant en place la structure de domination de l’homme sur la planète mais aussi sur la femme. Pour la chercheuse, une conception mécanique de l’environnement a alors supplanté l’ancienne vision organiciste d’une nature associée à la figure maternelle et donc moralement intouchable. Néanmoins, cette idée ne doit pas être confondue avec la théorie essentialiste, selon laquelle « les femmes auraient un pouvoir spécial de la nature ou des capacité spéciales pour en prendre soin » (référence à l’autre article d’Aude) et contre laquelle la voix de Carolyn Merchant s’élève particulièrement.

5. Wangari Muta Maathai, « la femme qui plantait des arbres »

Wangari Muta Maathai (1940 – 2011), biologiste et professeure en médecine vétérinaire kenyanne, est une figure emblématique du militantisme écologiste. Fille de fermiers appartenant au peuple kikuyu, Wangari Muta Maathai accède, grâce à sa mère, à l’instruction dès l’école primaire. Elle décroche par la suite la bourse d’un programme lui permettant de terminer ses études supérieures aux Etats-Unis et devient la première femme d’Afrique à obtenir un doctorat. Elle occupe de nombreux postes de professeure dans plusieurs universités dont le fameux Global Institute of Sustainable Forestry de Yale. Impliquée dans la lutte environnementale, elle fonde en 1977 le mouvement de la ceinture verte (Green Belt Movement). Avec cette association, celle que l’on surnomme « la femme qui plantait les arbres » défend les forêts du Kenya et la démocratie, parfois au péril de sa liberté, puisqu’elle sera plusieurs fois emprisonnée pour ses positions contestataires. Mais cela ne l’empêche pas de s’investir en politique, jusqu’à être nommée ministre adjointe à l’Environnement aux Ressources naturelles et à la faune sauvage. Elle reçoit au cours de sa vie plus de 50 récompenses dont le prix Nobel de la Paix en 2004 pour sa « contribution en faveur du développement durable, de la démocratie et de la paix ». Elle devient alors la première femme africaine à recevoir cette distinction.

Une oeuvre à retenir: The Green Belt Movement, Sharing the approach and the experience est un ouvrage publié en 2003 dans lequel Wangari Muta Maathai revient sur le processus de création de son association. Celle-ci vise à encourager les populations et notamment les femmes à lutter contre la déforestation et la dégradation de l’environnement. Wangari Muta Maathai évoque dans ce livre l’origine de cette idée qui a germé en elle alors qu’elle travaillait avec le Conseil national des femmes du Kenya, sa concrétisation et son aboutissement, avec la plantation de près de 50 millions d’arbres.

6. Ariel Salleh, la politique

Théoricienne mais tout aussi activement engagée, notamment en politique, Ariel Salleh (1944 - ) est une sociologue et militante écoféministe australienne. Femme de terrain, elle se bat dans les années 1970 contre l’exploitation de l’uranium en Australie. En 1985, elle contribue à la fondation du parti politique des Verts australiens, puis participe avec l’ONG Women’s Environment and Development Organization au Sommet de la Terre de 1992 à Rio. Elle s’investit également pendant quatre ans dans un comité scientifique nommé par le gouvernement fédéral australien. En parallèle, elle fonde la revue Capitalism Nature Socialism et signe près de 200 articles et 2 livres, souvent repris par d’autres penseuses écoféministes. Son ouvrage Ecofeminism as Politics : Nature, Marx and postmodern, publié pour la première fois en 1997, est particulièrement utilisé, notamment par les chercheuses proches du mouvement écoféministe socioéconomique telles que Maria Mies.

Une œuvre à retenir: En rédigeant Ecofeminism as Politics : Nature, Marx and postmodern, Ariel Salleh présente l’écoféminisme comme la préfiguration d’une synthèse politique regroupant 4 révolutions aux problématiques communes : écologie, féminisme, socialisme et post-colonialisme. Cette première vision socioéconomique de l’écoféminisme, s’apparente pour l’autrice à une analyse transdisciplinaire de la société moderne, et va donc au-delà des idéologies et pratiques des mouvements sociaux contemporains. Partant de cette nouvelle conception, Ariel Salleh montre que la considération des femmes et de la nature dans la société capitaliste sont des enjeux de pouvoir sexué.

7. Karen J. Warren, l’inspiration de la théorie du care

Philosophe américaine, Karen J. Warren (1947 - ) est présente dans de nombreux domaines tels que la protection environnementale, le féminisme ou la politique. C’est lors de son année de résidence à l’université de Murdoch à Perth en Australie, qu’elle suit pour la première fois un séminaire uniquement dédié à l’écoféminisme. Les enseignements qu’elle tire de cette expérience influencent profondément sa pensée, bien qu’elle soit déjà investie dans la cause. Elle est l’autrice de 5 anthologies et plus de 40 papiers, dont un article en 1990 : The Power and the Promise of Ecological Feminism. Certaines de ses idées se retrouvent dans les théories de « l’éthique du care », qui prône la sollicitude comme valeur ultime permettant à l’humain de vivre en relation avec la Terre.

Une œuvre à retenir: À travers son article, The Power and the Promise of Ecological Feminism, Karen J. Warren revient sur la définition même du terme écoféminisme. Elle met en exergue l’importance d’un regard croisé entre plusieurs luttes qui apportent différentes perspectives et enrichissent la vision écoféministe dans leur volonté de justice sociale et d’égalité écologique. Ce texte permet également à la philosophe de revenir sur les processus menant au dualisme et à la logique de domination de l’espèce humaine sur la nature ou des hommes sur les femmes, qu’elle décrit comme inhérente à la pensée moderne.

8. Starhawk, la sorcière

Starhawk (1951 - ) est une journaliste et militante américaine. Elle est également théoricienne du néopaganisme et travaille autour de la spiritualité au travers des figures de la sorcière et de la Déesse Mère archaïque, qu’elle évoque dans Dreaming The Dark : Magic, Sex ans Politics, son plus célèbre ouvrage publié en 1982. Forte de son expérience au sein des mouvements antinucléaires et antimilitaristes américains des années 1970 – 1980, elle a participé à de nombreuses manifestations contre des événements politiques comme les émeutes de Seattle qui se sont déroulées à l’occasion du sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce de 1999. Attribuant également une grande importance aux médecines naturelles et à l’utilisation des plantes, elle dispense des formations à travers le monde, en particulier sur la permaculture. Elle représente aujourd’hui un courant écoféministe spiritualiste ou culturel et milite pour une justice sociale dans les débats entourant la crise écologique et le sacré.

Une œuvre à retenir: Dans son livre Dreaming The Dark : Magic, Sex and Politics, Starhawk dévoile les idées fondamentales de sa pensée, dont celle qu’elle nomme « earth-based spirituality ». Il s’agit pour elle de reconnaitre l’aspect vivant de la Terre mais également l’interconnexion de notre communauté. Elle prône dans ses textes à l’esthétique poétique l’action directe, autour de valeurs telle que l’attention, la compassion et la non-violence, dans un projet de transformation sociale.

9. Vandana Shiva, l’activiste des pays du Sud

Connue pour ses nombreuses actions visant à promouvoir la lutte écoféministe dans les pays du Sud, Vandana Shiva (1952), est une philosophe et écologiste militante indienne. Physicienne de formation, elle découvre le mouvement Chipko dans les années 1970, alors qu’elle est encore étudiante. Ce groupe de villageoises indiennes qui protestent contre la déforestation de la forêt Himalayenne en étreignant des arbres l’inspire et marque le début de son engagement. Elle devient alors l’une des porte-paroles les plus actives du mouvement. Transformée par cette expérience, Vandana Shiva fonde en 1991 l’association Navdanya, qui met en avant l’agriculture biologique, traditionnelle et paysanne pour défendre la souveraineté des travailleurs.euses sur leurs semences et ainsi protéger l’environnement. Les femmes y tiennent une place essentielle et mènent une lutte à la fois environnementale, sociale et politique. En tant qu’instigatrice du mouvement, Vandana Shiva reçoit en 1993 le Prix Nobel alternatif « pour avoir placé les femmes et l'écologie au cœur du discours sur le développement moderne ». Elle dirige aujourd’hui la Fondation de la recherche pour la science les technologies et les ressources naturelles (Research foundation for sciences, technology and natural ressources policy). Parmi ses ouvrages, on trouve Ecofeminism, coécrit avec Maria Mies mais aussi Staying Alive : Women, Ecology, and Development, devenu une référence de la littérature écoféministe.

Une œuvre à retenir: Staying Alive : Women, Ecology, and Development, paru en 1989 est un écrit fondateur de la littérature écoféministe. Vandana Shiva y insiste sur le rôle clef des femmes dans la protection de l’environnement en expliquant que la crise écologique prend racine dans le dénigrement de la nature mais également de la productivité féminine. Elle évoque aussi la possibilité d’une alternative au dualisme puisant sa source dans la cosmologie indienne et qu’elle définit comme la « dualité dans l’unité ».

10. Emilie Hache, hachement engagée

Emilie Hache est une philosophe française actuellement très investie dans les recherches liées à l’écoféminisme. Maître de conférences au département de philosophie de l’université Paris Nanterre, elle est également associée au groupe de chercheurs d’études constructivistes de l’université libre de Bruxelles. Elle est influencée par certaines théories de penseuses qu’elle considère comme essentielles, à l’image de Silvia Federici, autrice de Caliban et la sorcière. Emilie Hache écrit notamment la préface de la réédition d’un livre de Starhawk en 2015. Un an plus tard elle publie son anthologie regroupant plusieurs grands écrits : Reclaim ! Recueil de textes écoféministes. Proche des milieux universitaires, la philosophe s’attache pourtant à mettre en avant le caractère bouillonnant de l’écoféminisme qui transparait dans ses actions.

Une œuvre à retenir: Le but premier de l’anthologie Reclaim ! Recueil de textes écoféministes est pour son autrice de continuer à faire connaître l’écoféministe en France. Pour se faire, elle met en lumière un terme récurrent provenant du vocabulaire écologiste qui s’avère très important pour le mouvement mais intraduisible en français : Reclaim. Ce dernier se rapproche des notions de réappropriation et de reprise à son compte ou encore de défrichage s’il est utilisé de manière plus littérale. Il s’agit alors pour Emilie Hache de présenter l’écoféminisme à travers les liens qu’il peut avoir avec des mouvements écologiques conduits par des femmes.

Bonus: Greta Thunberg

Bien que son statut d’écoféministe soit discuté, Greta Thunberg (2003 - ) est une personnalité reconnue par le mouvement. Jeune militante écologiste suédoise, elle est déjà à l’initiative de nombreuses actions qui l’ont fait connaître auprès du grand public. Elle a notamment manifesté à l’âge de 15 ans devant le Parlement suédois pour protester contre l’inaction des politiques face à la crise écologique, avant de se lancer dans une grève de l’école à la rentrée 2018. En décembre de la même année, elle est invitée à faire un discours à la conférence de Katowice sur le climat lors de la COP24, somment des Nations Unis sur les changements climatiques. Ce dernier deviendra viral et sera par la suite largement commenté, mais permettra aussi d’inspirer de nombreuses personnes à se mobiliser. Greta Thunberg reçoit de nombreuses distinctions et devient même la plus jeune nominée à recevoir le titre de personnalité de l’année 2019 par le Times. En déclarant sur Twitter « Plus je lis sur la crise du climat, plus je réalise à quel point le féminisme est crucial. Nous ne pouvons pas vivre dans un monde durable sans égalité entre les genres et les personnes », la jeune activiste exprime une pensée qui mêle écologie et féminisme, se rapprochant des valeurs écoféministes et donc du mouvement.